L’astre de sélène est l’objet de toutes les convoitises
Alors que la planète est en ébullition, il est difficile de prendre du champ et de regarder ailleurs sans être propulsé dans un monde de rivalités tant géopolitiques que géoéconomiques.
Aujourd’hui, l’astre de Séléné est dans le viseur de plusieurs nations qui en ont fait un enjeu de pouvoir. Difficile donc, de rêvasser dans les étoiles, dangereux d’aller à la recherche de la B612 du Petit Prince.
Où en sommes-nous ?
Le lancement d’Ariane 5, le vendredi 14 avril 2023, a de quoi nous faire rêver et propulser dans les étoiles tant les prouesses et ambitions technologiques sont magnifiques : viser Jupiter, faire des millions de kilomètres, l’observer, s’informer. Une mission sur le temps long, comme l’exige cet environnement complexe qu’est l’espace. Cet évènement nous rappelle que l’activité spatiale est importante. En y regardant de plus près, nous pourrions voir les barges de Space X se croiser dans l’embouchure du port de Port Canaveral. L’une vient de réceptionner le dernier module B1077 ayant servi au mois de mars à la 79e mission Starlink quand l’autre va se positionner pour récupérer l’étage B1075 du lancement de début avril. Artemis 2 connaît son équipage américano-canadien, qui devrait se propulser vers la Lune à la fin 2024. Côté chinois, un nouveau lanceur léger réutilisable a effectué début avril une première mission. Il était propulsé par une start-up chinoise. Dans ce tumulte, rajoutons la réussite par l’agence spatiale indienne d’une mission d’atterrissage de son véhicule réutilisable. Que d’activités au-dessus de nos têtes. La liste est longue et non exhaustive.
Et pourtant …
À l’aune des tensions sino-américaines sur terre, force est de constater qu’il y a un effet miroir dans l’espace cislunaire. Les États-Unis, et son « peer competitor », la Chine, ont entamé la course au retour vers la Lune. Deux philosophies se font face : celle du temps court et de l’immédiateté face à celle du temps long. Ainsi, quand les États-Unis tergiversaient au rythme du passage des différentes administrations, Pékin définissait son objectif dès les années 2000 et s’y tenait avec cette intention à l’endroit des Américains : «vous y êtes passés, nous, on va y rester ! ». Pour preuve, cette analogie faite par Ye Pijian, directeur du programme lunaire de l’époque, qui, reprenant les théories de stratégies navales et d’utilisation de points d’appuis et de contrôles des détroits pour aller plus loin de Alfred Thayer Mahan, déclarait : « The universe is an ocean, the Moon is the Diaoyu Islands, Mars is Huangyan Island. If we don’t go there now even though we’re capable of doing so, then we will be blamed by our descendants. If others go there, then they will take over, and you won’t be able to go even if you want to. This is reason enough [to go to the Moon] »[1]
Tous les moyens sont bons
La puissance américaine est dans ce domaine incontestable. Et puisqu’elle en détient encore le leadership, elle impose ses règles du jeu. Interviennent dès lors toutes les composantes de la géoéconomie, ou l’économie comme arme de dissuasion massive. Sanctions, extraterritorialité du droit américain et du dollar, tout est mis en œuvre pour ralentir ce peer competitor qui, rappelons-le a le temps long devant lui quand en occident dividendes, rentabilité, coût de gestion, alternances politiques sont à la manœuvre. Il y a encore peu, les trois principaux acteurs étaient les États-Unis, la Russie et la Chine. Les choix du Kremlin ont conduit l’empire de Catherine à la position de junior’s partner de la Chine. Et pourtant, il fut un temps où en matière spatiale l’URSS était la première…
Il y a deux équipes …
Dans cette lutte de puissance, il y a bien aujourd’hui deux équipes. L’une occidentale, avec le programme lunaire Artémis et réunissant 23 États. L’autre sino-russe, l’International Lunar Research Station (ILRS). Les deux sont ouvertes au reste du monde. Côté Asie, cela pourrait en tenter plus d’un, mais sans doute que les risques de sanctions économiques, primaires comme secondaires, peuvent dissuader, d’autant que les dernières mesures liées au Chips Act de l’été 2022 et les restrictions aux exportations d’octobre dernier impactent direct ou indirectement tout le monde. Quoiqu’il en soit, la Chine, comme peer competitor, semble bien vouloir prendre le relais sur ce qu’il reste de l’URSS, et étendre sa sphère d’influence au-delà de la région Asie-Pacifique, et comme puissance révisionniste, déstabiliser le statu quo post 1945 instauré par les occidentaux.
Nous sommes loin de cette belle phrase d’Oscar Wilde qui disait : « dans la vie il faut toujours viser la Lune, car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles ». Qui sait où cette compétition nous mènera-t-elle ?
[1] Brandon J. Weichert. 2019. « The Wrong Stuff: U.S. Space Policy ». The Weichert Report (blog). 10 juin 2019. https://theweichertreport.wordpress.com/2019/06/10/the-wrong-stuff-u-s-space-policy/. « L’univers est un océan, la Lune est l’île Diaoyu, Mars est l’île Huangyan. Si nous n’y allons pas maintenant alors que nous en sommes capables, nos descendants nous le reprocheront. Si d’autres y vont, ils prendront le pouvoir et vous ne pourrez pas y aller même si vous le souhaitez. C’est une raison suffisante [pour aller sur la Lune] ».