Le 31 août 2025, s’ouvrait à Tianjin, en Chine, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). La photo de famille est éloquente : Chine, Russie, Inde, Iran, Pakistan, les « -istan » d’Asie centrale… et désormais la Biélorussie — dix membres couvrant presque toute l’Eurasie. Poutine et Modi sont bien là, signe que la plateforme reste utile malgré les rivalités internes.
L’OCS n’est pas qu’un club diplomatique : c’est un espace où se négocient sécurité régionale, corridors énergétiques, normes techniques et coopérations industrielles, sur fond de guerre des tarifs et de sanctions. Son agenda mêle sécurité, la Structure antiterroriste régionale (RATS), commerce et connectivité — autant de sujets qui façonnent des chaînes de valeur alternatives.
Le RATS, organe permanent de l’OCS basé à Tachkent, a pour mission de coordonner la lutte des États membres contre les « trois fléaux »: terrorisme, séparatisme, extrémisme. Concrètement, cela signifie : partage de renseignements, listes communes d’individus et d’organisations, exercices conjoints, coopération judiciaire et, de plus en plus, cybersécurité.
Dans un monde qui change, l’OCS s’affirme avec un volet “opérationnel” (non comparable à l’OTAN) et un cadre pour harmoniser pratiques et narratifs sécuritaires en Eurasie — et au-delà. Rappelons que l’organisation s’est élargie deux années de suite : l’Iran en 2023, puis la Biélorussie en 2024, à Astana. Ce n’est pas anodin.
Pendant que Paris tourne en rond sur des arbitrages budgétaires et se contemple le nombril, à Tianjin s’écrit un autre récit : celui d’un monde multipolaire où l’Europe est bien loin, trop loin pour exister.
Mercredi 3 septembre 2025. Nouvelle photo “magnifique” : Vladimir Poutine, Xi Jinping et Kim Jong-un. La Russie et la Corée du Nord encadrent l’Empire du Milieu — la Chine, ou, si vous préférez, la Chine comme Empire du Milieu, encadrée par son premier cercle de vassaux. Oui, le monde change. Oui, il change, et loin de là, sans l’Occident. Et cela vous surprend ? Xi a martelé : « La renaissance de la nation chinoise est inarrêtable » (discours du 3/09/25). Qu’est-ce que vous n’avez pas compris ?
Et comme certains ne semblent toujours pas comprendre, je rajoute : cette démonstration de force (parce que c’est bien de cela qu’il s’agit) marque le 80ᵉ anniversaire de la capitulation du Japon et de la fin de la Seconde Guerre mondiale se tient sur la Place Tian’anmen, un lieu lourdement chargé d’histoire où, en 1989, ce déroula le massacre de manifestants pro-démocratie. Inscrire un tel spectacle à cet endroit, en pleine commémoration du 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, envoie un message clair : la Chine impose son récit militaire et politique, tourné résolument vers l’affirmation de puissance et la revanche sur le siècle d’humiliation que l’Occident lui a fait subir. En d’autres termes, Winnie l’Ourson* vous fait un pied de nez.
* en référence à une pseudo ressemblance entre Xi Jinping et Winnie l’Ourson, publié en 2013 lors de la visite de Xi auprès du président américain Barack Obama aux États‑Unis. Une photographie des deux hommes marchant côte à côte a immédiatement fait penser aux personnages de Winnie l’ourson et Tigrou, une analogie moqueuse largement partagée sur les réseaux sociaux chinois et censurée depuis par Pékin.