Semaines du 4 au 17 mars 2024
Quand les voyages forment la jeunesse de tout âge.
De passage à New York la semaine dernière, j’ai fait un détour par la 5e, non pas pour y faire du shopping ou pour assister à une représentation burlesque devant la Trump Tower, mais pour aller au Musée du Guggenheim. Il est des noms qui résonnent et vous ne savez pas bien pourquoi, pour autant, vous suivez votre intuition.
De la polychromie à la monochromie.
Au musée Guggenheim, il n’y a pas à proprement parler d’étages puisque c’est une spirale qui vous conduit sous la verrière du toit. Vous commencez par des œuvres « classiques » : Monet y côtoie Manet et vous y entendez les gens avouer qu’ils confondent toujours les deux ; Picasso et la période bleue ; Pissaro au côté de Van Gogh. De la couleur, de la poésie avant d’atteindre l’exposition temporaire du moment « Going Dark: The Contemporary Figure at the Edge of Visibility1 ». Cela commence par un décor apocalyptique d’une scénologie me faisant penser au film « Soleil vert2 », dystopie de 1973 se déroulant dans un New York de 2022. Puis, en effet, la suite des œuvres s’opacifie sur les murs blancs. Il n’y a aucun visage de visible : le blanc efface tout, masque tout et plus particulièrement les gens de couleurs. Le blanc floute les individus au point de les rendre invisibles. Les identités sont marginalisées, à peine distinctes. On se situe à l’intersection du racisme historique et du manque de reconnaissance de tout un pan de la société. On peut passer devant ce que l’on pourrait prendre pour des tableaux blancs. À bien y regarder avec un angle de vue détaché, un pas de côté et un jet de lumière (celui de notre smartphone) nous apercevons des silhouettes d’enfants, de femmes, d’hommes noirs américains, comme perdus dans le blanc dominant. Il y a aussi, par exemple, l’œuvre de Rebbecca Belmore autochtone canadienne, “Mixed Blessing” de 2011. Cela ressemble d’abord à une statue d’un grand corbeau noir qui aurait de très longues plumes. Mais il s’agit d’un être humain à genoux, suppliant, son visage masqué par de longs cheveux noirs qui cachent son identité. Il faut comprendre, dans cette présentation, toute la supplication du manque de reconnaissance, de l’exploitation et du racisme vécu par les peuples autochtones.
Quand voyager vous permet de voir autre chose et de comprendre l’autre.
Il faut le vivre pour le comprendre. Il ne s’agit plus de discussion sur des plateaux TV des médias mainstream que l’on suit avec plus ou moins d’attention en faisant autre chose. Non, prendre le temps de comprendre ce que des œuvres transmettent comme messages permet de prendre le rythme de la situation qui court devant soi. Réfléchir « au pourquoi du comment » vous mène inéluctablement vers la vision de deux Amériques qui se font face dans « la course du fou », « the chicken race » qui fait froid dans le dos. Que va-t-il se passer au mois de novembre prochain? La question est angoissante parce que l’Histoire d’un pays va se jouer. Et la nôtre aussi par conséquent.
Quelques jours après cette visite, j’entendis la énième polémique sur le dernier discours de Trump dans l’Ohio et prédisant un “bain de sang” s’il n’était pas élu. Premier réflexe, retrouver la source, écouter le discours et remettre dans le contexte3. En l’occurrence, le contexte de ces propos était économique et concernait les relations commerciales Chine-Etats-Unis. Néanmoins, la question s’impose. Dans un pays à ce point fracturé, comment la défaite de l’un des deux ou la victoire de l’autre va-t-elle être vécue, gérée ?
Et tout d’un coup, vous êtes balayé comme une feuille dans la spirale de cette exposition parce que l’issue de ce scrutin nous impactera économiquement et socialement et qu’il nous revient d’anticiper et de ne pas nous laisser surprendre ni se laisser berner par des musiques rassurantes que tout ira bien. Notre monde est en train de changer, nous devons anticiper, donc agir pour ne pas subir.
L’intelligence économique c’est aller chercher l’information stratégique nécessaire aux acteurs économiques et révéler les menaces cachées.