Semaine du 19 au 25 février
Tracteurs, fumier et bottes de foin !
Règle n°1 : ne jamais prendre son adversaire pour plus bête qu’il ne pourrait l’être.
Excepté tout ou partie de notre personnel politique, qui pouvait croire que la colère de nos agriculteurs passerait avec les déclarations d’un Premier ministre sur une botte de foin et mégaphone à la main ? Il n’aura pas suffi de bien longtemps pour que ceux qui nous nourrissent encore un peu, le bon sens en action et les pieds sur terre, ne se rendent compte de la supercherie ou, à tout le moins, fassent semblant de gober le discours. Ils ont l’habitude de ce parisianisme ambiant qui méprise ceux qui ne leur ressemblent pas.
Cela s’appelle “l’effet Barnum” (du manipulateur de cirque Phineas Taylor Barnum) qui normalement fonctionne très bien et dont les politiciens sont coutumiers du fait. Il s’agit de ce discours qui vous fait adhérer à ce qui est dit et considéré, voire approuver la représentation qui vous est faite. Dès lors que le descriptif correspond à un état de fait, que la personne qui le dit à une légitimité et une autorité, il y a de facto une validation subjective parce que cela correspond à ce que l’auditoire veut entendre.
Généralement, quand la fumée disparaît, le subterfuge apparaît. Le problème agricole français est depuis trop longtemps connu, mais ignoré pour le régler en quelques déplacements protocolaires. Aujourd’hui, les informations circulent et s’il est encore très difficile de faire la part des choses en quelques clics, les vérifications sont accessibles à tous. Vous pouvez donner l’air de maîtriser votre dossier à l’instant t, mais dites-vous bien qu’il y aura toujours quelqu’un pour vérifier vos dires.
Règle n°2, ne pas faire de diversions grossières
Sun Tzu, dans son précepte numéro 7 “Manœuvre” de l’Art de la guerre, donne le conseil suivant : “déplacez-vous lorsque c’est votre intérêt et créez des changements de situation par des dispersements et des concentrations de forces”1 . En d’autres termes, quand la supercherie est dévoilée, que le public visé se sent lésé et trompé et que la colère monte d’un cran parce que manifestement la situation est dans l’immédiat insoluble, nul n’est besoin d’organiser une diversion grossière du style : “ce n’est pas moi, c’est l’autre“, ou de sortir une martingale qui ne fonctionne plus.
Convaincre n’est pas persuader, tout comme rayonner n’est pas influencer. L’influence, l’un des piliers de l’intelligence économique, est devenue en 2022 la 6è fonction stratégique française éditée dans la Revue stratégique nationale. Il y a des raisons à cela. L’influence n’est pas un gros mot. Elle permet de mettre en œuvre différents types de stratégies, de penser différemment la relation à l’autre en permettant des solutions et issues tout en étant dans le cadre légal et moral. Quand certains font de la grossière subordination d’électeurs, d’autres réfléchissent autrement pour construire des stratégies pérennes sur le long terme.
Il est des situations ou la méthode Coué n’a plus d’effet. Vous êtes devant un mur. C’est la situation actuelle de notre pays tant sur le plan de l’agriculture que des finances publiques. Infantiliser son peuple quand on est mauvais acteur et mauvais menteur ne peut que rendre la situation ingérable parce que la population n’est pas dupe de la gravité de la situation. L’Union européenne est secouée par la colère de ses agriculteurs, qu’en sera-t-il quand les employés de l’automobile thermique découvriront l’étendue de la supercherie des véhicules tout électrique et de la disparition de centaines de milliers d’emplois ?
Gouverner c’est anticiper. Ce n’est ni jouer Hamlet dans un mauvais théâtre de rue ni “instagramiser” sa vie. Tant pour nos agriculteurs que nos ouvriers et pour nous tous, il peut s’agir de vie et de mort.
L’intelligence économique c’est aller chercher l’information stratégique nécessaire aux acteurs économiques et révéler les menaces cachées.
- Sun Tzu, L’art de la guerre, Champs classiques. p 118 ↩︎